Séminaire Husserl : La question de la matière
Coordonné par Pierre-Jean Renaudie et C.Vishnu Spaak
École normale supérieure
Séances le mercredi de 17h30 à 19h30, salle Weil
Née d’une interrogation critique sur la notion de donné et d’un effort pour recentrer l’analyse philosophique autour de la description des formes d’apparaître des phénomènes, la phénoménologie semblait avoir d’emblée mis à l’écart ou secondarisé toute question relative au statut de la matière pour se tourner vers les modes de donation subjective des phénomènes. Tout au plus pouvait-on s’attendre à ce que cette notion ne joue qu’un rôle fonctionnel et latéral dans la phénoménologie de Husserl et de ses successeurs. Or, contre toute attente, la question de la matière a été appelée à occuper une place très importante dans la phénoménologie, dont témoignent les différents termes allemands auxquels Husserl a eu recours pour déterminer précisément le ou les rôle(s) que la notion de matière devait jouer au sein de l’analyse phénoménologique : qu’il s’agisse des développements que Husserl consacre à l’a priori matériel, ou de l’usage technique qu’il propose des notions de Stoff, de Materie, de Hylè et d’archi-hylè, la description phénoménologique renvoie constamment de diverses façons à cette dimension matérielle et à cette part de facticité inéliminable de l’expérience, qui lui imposent d’être attentive à une certaine prétention du donné de faire valoir son indépendance à l’égard des actes subjectifs qui en prescrivent le sens. Aussi la notion de matière est-elle sans doute moins le lieu d’une thèse que celui d’un problème pour la phénoménologie servant en quelque sorte de pierre de touche à ses prétentions descriptives. L’enjeu n’est ici rien d’autre que la fidélité à l’expérience, imposant à la fois au phénoménologue de ne pas arracher la description des vécus aux conditions réelles et matérielles d’effectuation de l’expérience, sans pour autant limiter cette description à un simple compte-rendu empirique des faits de conscience.
Le statut équivoque de la matière constitue ainsi un lieu privilégié pour interroger les tensions constitutives de la méthode et de l’objet mêmes de la phénoménologie. Ce séminaire se donnera pour objectif d’explorer toute la complexité des différents niveaux d’implication de la notion de matière dans la description phénoménologique, afin de poser de façon plus large et au-delà de Husserl la question du statut phénoménologique de la matière. Quel discours la phénoménologie peut-elle tenir sur la matière ? Doit-elle être située hors de sa portée, interdisant toue possibilité de « phénoménologie matérielle », ou définit-elle au contraire l’enjeu d’une phénoménologie soucieuse de décrire ce qui se donne tel que cela se donne, et donc de rester au contact d’une matérialité irréductible ?
Programme des séances :
27 novembre 2013 : Séance introductive :
Dominique Pradelle (Université Paris-Sorbonne/Archives Husserl) : Présentation
Pierre-Jean Renaudie (FCT-Universidade do Porto) : Grandeur et misère de la matière : réflexions sur un dilemme phénoménologique
11 décembre 2013 :
Paula Lorelle (Université Paris-Sorbonne) : Husserl et Scheler : pour une éthique matérielle
15 janvier 2014 :
Claude Vishnu Spaak (Université Paris-Sorbonne) : Data hylétiques et moments médiateurs de l’objet : la critique patockienne de la phénoménologie husserlienne de la matière
12 février 2014 :
John Rogove (Université Paris-Sorbonne) : Ontologie matérielle et a priori de la corrélation : une ontologie fondamentale husserlienne ?
19 mars 2014 :
Chiara Pavan (Université Paris-Sorbonne) : Levinas et les différentes faces de la matérialité du monde
9 avril 2014 :
Bruce Bégout (Université de Bordeaux III) : Hylé et matière. Le double sens du sensible chez Husserl
21 mai 2014 :
Jean-François Courtine (Université Paris-Sorbonne) : L’espace — accueil, abîme : Khôra" / "Chaos
4 juin 2014 :
Jean-François Lavigne (Université Nice-Sofia Antipolis) : Matière et individuation selon Husserl : sur l’origine phénoménologique des
singularités eidétiques