Archives Husserl
Le versant philosophique de l’UMR 8547, les « Archives Husserl de Paris », dirigé par Dominique Pradelle après Jocelyn Benoist et Jean-François Courtine, constitue un des centres de recherche en phénoménologie les plus importants au niveau mondial. Bénéficiant d’une part de son implantation à l’ENS, lieu symbolique s’il en est de la tradition phénoménologique française, et d’autre part de son association étroite avec le versant germanistique de l’unité, ce centre développe une recherche à la fois historique et conceptuelle sur la phénoménologie, son contexte, son héritage contemporain et ses possibles applications.
D’un coté, les Archives Husserl, comme leur nom l’indique, rattachées au réseau d’archives contrôlé par les Archives-Husserl de Louvain, dépositaires de l’héritage du philosophe, jouent un rôle archivistique et documentaire : elles conservent des transcriptions d’une bonne part des manuscrits de Husserl et ont d’autre part progressivement réuni une bibliothèque de recherche, qui, en l’état, constitue la meilleure bibliothèque spécialisée de phénoménologie en France.
Au-delà de cette fonction documentaire, une des vocations fondamentales des Archives est de mener des recherches historiques sur la tradition phénoménologique. L’œuvre des pères fondateurs : Husserl, Heidegger, mais aussi ce qui les précède, la « proto-phénoménologie » (« philosophie autrichienne » : Bolzano, Brentano), et ce qui les suit : la phénoménologie et la post-phénoménologie françaises (Sartre, Merleau-Ponty mais aussi Levinas, Ricœur, Derrida). Les premières parmi ces recherches se matérialisent par l’existence de groupes de lectures et séminaires réguliers sur textes en allemand, débouchant souvent sur des traductions individuelles ou collectives. Cette activité, fondamentale pour l’équipe, s’inscrit dans la perspective plus vaste de l’unité en tant que centre de recherches consacré à la culture et la pensée des pays germanophones.
L’étude de la tradition phénoménologique, qui constitue la vocation première des Archives Husserl, passe du reste par l’exploration raisonnée du contexte d’origine et de développement de celle-ci, ce qui se traduit par toute une série de recherches sur les philosophies de langue allemande au XIXe et au XXe siècle : au-delà de la seule tradition autrichienne, trop longtemps méconnue, et à laquelle elles ont consacré de nombreux séminaires, les Archives Husserl hébergent aussi des projets de recherche sur les sources idéalistes de la phénoménologie dans ce qu’il est convenu d’appeler l’« idéalisme allemand », sur les néo-kantismes, pendant longtemps également si mal connus en France et dont l’exploration constitue un des points forts du laboratoire, la psychologie et les sciences humaines dans l’espace germanophone au tournant du XXe siècle et jusque dans les années 30, le projet d’une « anthropologie philosophique » tel qu’il a pu être caractéristique d’une certaine phase de la pensée allemande.
En fait, un des aspects de l’activité du versant philosophique du laboratoire est la redécouverte, autour de cet axe fort qu’est la phénoménologie, de la variété et de la richesse de la pensée philosophique germanophone à l’époque contemporaine, dans la diversité de ses traditions et ses points de contact (parfois de crise : cf. la querelle du psychologisme) avec d’autres disciplines. Ainsi les différents projets de recherche développés aux Archives, au fil des années, ont-ils redéployé la carte de ce qui constitue le champ dans lequel la phénoménologie en tant que mouvement philosophique a été possible et a eu à se déterminer. Ces enquêtes conduisent régulièrement l’équipe au-delà de l’histoire étroite du seul mouvement phénoménologique, dans le sens d’une véritable histoire alternative et globale du dernier siècle et demi de philosophie allemande, cela précisément parce que l’étude savante dudit mouvement demeure son objectif premier.
Les recherches historiques, privilégiant, mais pas exclusivement, les sources germanophones, ne constituent cependant qu’une face des activités de l’équipe, qui a vocation non seulement à étudier mais à faire vivre la tradition phénoménologique et/ou à animer la discussion critique autour de celle-ci.
Au-delà de la tradition phénoménologique canonique, la phénoménologie ou la post-phénoménologie contemporaines jouent un rôle important dans la vie scientifique de l’unité. Il s’agit alors de faire connaître et discuter les œuvres des auteurs contemporains très nombreux, francophones, germanophones, anglophones ou autres, qui ont été influencés par la phénoménologie et ont nourri ou nourrissent un débat particulier avec elle. Il s’agit aussi de poursuivre et développer les recherches partant de cette inspiration, et de faire intervenir la phénoménologie dans les débats, internes au champ philosophique ou dirigés vers d’autres champs (d’autres disciplines, des réalités marquantes), caractéristiques de la philosophie actuelle.
Tout un volet des activités du laboratoire est donc tourné vers ce qu’on peut appeler « applications » de la phénoménologie. L’usage de ressources phénoménologiques (qu’il s’agisse de méthodes, de concepts ou de thèses philosophiques) s’impose-t-il en philosophie de l’esprit et/ou en psychologie ? en philosophie des mathématiques, de la physique et/ou de la biologie ? en philosophie sociale et/ou en sciences humaines ? en esthétique ? Dans l’affirmative, suivant quelles modalités et avec quel statut ? Tel est le genre de questions que l’on trouvera abordées dans tout un pan que l’on peut qualifier de systématique (par opposition à : historique) des recherches menées aux Archives. Cette mobilisation de la phénoménologie et/ou de concepts qui lui sont empruntés dans le champ contemporain revêt du reste des aspects extrêmement divers, qui la font osciller de formes de « phénoménologies analytiques » à des perspectives résolument continentales au sein desquelles, aujourd’hui plus que jamais, un rôle moteur revient à la phénoménologie.
L’ensemble des activités des Archives Husserl se déploient donc suivant un motif simple :
Connaître, faire connaître et faire vivre la tradition phénoménologique.